Un mouchoir d’homme n’était pas semblable à un mouchoir de dame. Le type même du mouchoir d’homme c’était grand et à carreaux, pour se moucher bruyamment. Le mouchoir pour dame était plus petit, pour un usage discret, ou pour essuyer une larme.

En plus, il pouvait rendre d’autres services, ainsi qu’en témoigne l’expression désuète : « fais un nœud à ton mouchoir » bien plus imagée que l’actuel « mets un bip sur ton portable » pour se souvenir de faire quelque chose. Évidemment, moins on était enrhumé et plus on risquait d’oublier.

Et puis insidieusement, au cours des années soixante, est apparu le mouchoir en papier. Jetable, hygiénique, mais standard, anonyme et peu propice à une quelconque personnalisation. Il a marqué la fin du mouchoir traditionnel. Pas brutalement non, car il y a eu des fidèles longs à convaincre, mais inexorablement.

En fait, historiquement, l’invention est antérieure à ce que l’on pourrait croire. C’est en 1924 qu’est apparue la marque Kleenex. Je ne sais pas si nos libérateurs l’ont importé avec eux, en 1944, en même temps que le chewing-gum. Le souci de l’hygiène a fait le reste.

Et le kleenex, nom de marque devenu nom commun, a fini par prendre place dans la liste des anthroponymes (c’est comme cela qu’il faut dire si l’on est savant ), à la lettre K, avec le bruyant klaxon, le rafraîchissant kir et la déplorable kalachnikov.