On se demande parfois s’ils n’avaient pas des accointances avec la librairie-papeterie en face du lycée, qui était la seule du quartier à avoir en stock le tube de « orange jaune brillant transcendant », dont il est évident que la possession était indispensable à l'épanouissement de notre culture artistique.

Et encore, des petites classes du lycée, jusqu'à l'entrée en seconde, je n'ai pas de trop mauvais souvenirs. Je me souviens surtout des perpétuelles pannes d'imagination, qui suivaient les demandes genre : « dessinez la maison de vos rêves ». J'avais des rêves, j'aurais pu écrire une rédaction, d'ailleurs je n'étais pas mauvais en rédaction, mais dessiner mes rêves ...

Et puis, je suis entré en seconde. Et là, ça a été pire ! Les deux professeurs que j'ai eus dans les grandes classes du lycée, avaient les mêmes conceptions (les mêmes instructions de l’inspection générale ?) de ce que devait être le dessin d'art pour des adolescents de 15 à 18 ans : la nature morte !

Une feuille de Canson, des crayons noirs 2H, B, 2B, évidemment une gomme et même une estompe. Et nous étions partis pour des séances infernales, dont je crois me souvenir qu'elles duraient deux heures. Et, non seulement elles duraient deux heures, mais il fallait bien compter six séances par sujet. Je me souviens d'une bouteille, disposée artistiquement avec une pomme et une coloquinte, le tout sur fond de tissu drapé, ça n'en finissait plus... Alors, au bout de quelques semaines, deux copains sont allés poser des questions au prof à la fin du cours, pendant qu'un autre copain et moi-même subtilisions la bouteille et les fruits. C'est mal, je sais, j'ai été proviseur pendant vingt-neuf ans.